La Barbe Bleue
« Voilà, dit-il, les clefs des deux grands garde-meubles ; voilà celles de la vaisselle d’or et d’argent, qui ne sert pas tous les
jours ; voilà celles de mes coffres-forts où est mon or et mon argent ; celles des cassettes où sont mes pierreries, et voilà le passe-partout de tous les appartements. Pour cette petite clef-ci, c’est la clef du cabinet au bout de la grande galerie de l’appartement bas : ouvrez tout, allez partout ; mais, pour ce petit cabinet, je vous défends d’y entrer, et je vous le défends de telle sorte que s’il vous arrive de l’ouvrir, il n’y a rien que vous ne deviez attendre de ma colère. »
La Barbe bleue confiant la clé fée - Illustration de Gustave Doré, 1867.
« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? »
Et la sœur Anne répondait : « Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie »...
La Barbe Bleue de Charles Perrault, parue en 1697 dans Les Contes de ma mère l'Oye - Illustration de Gustave Doré 1867
Moralité
La curiosité, malgré tous ses attraits,
Coûte souvent bien des regrets ;
On en voit, tous les jours, mille exemples paraître.
C’est, n’en déplaise au sexe, un plaisir bien léger ;
Dès qu’on le prend, il cesse d’être.
Et toujours il coûte trop cher.
Autre Moralité
Pour peu qu’on ait l’esprit sensé
Et que du monde on sache le grimoire,
On voit bientôt que cette histoire
Est un conte du temps passé.
Il n’est plus d’époux si terrible,
Ni qui demande l’impossible :
Fût-il malcontent et jaloux.
Près de sa femme on le voit filer doux ;
Et de quelque couleur que sa barbe puisse être,
On a peine à juger qui des deux est le maître.